Les associations, entre mutations et crise économique

Isam Ifghallal est ingénieur en économie sociale, il a été tour à tour, cadre au sein de la fédération Leo Lagrange, directeur du centre social de Monclar, concepteur de la MAVA (Mission d’Appuie à la Vie Associative) rattachée au sous-préfet, Président du centre social de St Chamand, député suppléant et collaborateur parlementaire.

TRIBUNE LIBRE :

« Le financement des associations et les transformations de leur modèle économique sur une ville comme Avignon, constituent la première préoccupation des acteurs associatifs, quels que soient leurs secteurs d’activités, même si certains sont plus touchés que d’autres.

La question des financements est le point sombre de l’avenir des associations : le désengagement de l’Etat mettant à mal des structures dont il était un partenaire incontournable, notamment des têtes de réseaux.

Les fonds publics locaux et territoriaux se raréfient, et l’énergie à déployer pour en bénéficier est de plus en plus considérable.

D’autant plus que les conventions pluriannuelles se font de plus en plus rares.

La recherche des fonds et la gestion des partenariats sont ainsi un obstacle au développement des petites associations qui ne possèdent pas les compétences en interne, et occupent en général un temps de plus en plus important de l’activité des associations, au détriment du temps consacré aux projets.

« Le rapport au temps nous crève : on est sans arrêt dans le court terme, le nez dans le guidon, on doit tout justifier sans cesse auprès de chaque institution ,sauf l’essentiel. On perd un temps fou dans les procédures et la paperasse, ça en devient absurde » dixit un responsable associatif avignonnais.

Vers une marchandisation des associations

La nature des financements publics est de plus en plus profondément transformée depuis quelques années, et le passage d’une logique de subvention au système des appels à projets ou appels d’offres, constitue une préoccupation forte.

Cette mise en concurrence, avec d’autres associations du même secteur d’activité sur un même territoire ou encore avec des entreprises lucratives dans le cadre des appels d’offres, se traduit généralement par l’adoption d’une norme qui devient le standard des institutions.

Le tout aboutit à une « banalisation de l’offre associative » par rapport à l’offre commerciale et à la valorisation des résultats quantitatifs, financiers, notamment au détriment des résultats qualitatifs propre au fait associatif.

Force est de constater dans une optique d’intérêt général, les collectivités locales devraient reconnaître plus que jamais, les actions des associations dans le champ de la culture, du sport, de la jeunesse, de la petite enfance, des loisirs, de la solidarité internationale, du social en passant par l’environnement, sont plus efficientes, quand elles sont conçues avec ceux qui bénévolement et professionnellement , vont et savent les mettre en œuvre, les faire évoluer et les améliorer au quotidien.

Les associations « laboratoires de reconfiguration du lien social »

Cependant, face aux mutations de l’individu autonome et au déclin de l’institution, les associations se trouvent de fait, dans des situations ambivalentes : il existe une génération associative qui a joué un rôle actif parfois décisif dans le « vivre et faire ensemble » dans nos quartiers populaires d’Avignon. Malgré cela, ces associations ne sont pas plus préservées aujourd’hui de la précarité du lien partenarial, lorsque celles –ci ne trouvent plus un référent institutionnel solide.

En termes de perspective, les associations mieux que les entreprises ou les organisations publiques, peuvent être des laboratoires de la reconfiguration des individus dans leurs rapports aux institutions.

L’association est le seul espace où s’exerce encore et sans contrainte la liberté d’élaborer, y compris par essai et erreur, des règles d’action collective et du vivre ensemble. La difficulté pour elle est d’assumer cette liberté sans se laisser renvoyer alternativement au modèle technocratique ou au conformisme administratif.

Une illégitimité des associations, au sein de la sphère politique

Aujourd’hui répartie entre le ministère de l’éducation nationale et celui de la transition écologique et solidaire, la vie associative n’est pas mentionnée officiellement dans le gouvernement.

Cette absence renvoie à un problème de fond « la non reconnaissance des plus-values économiques et des mieux-values sociales des associations de la part des agents économiques et des édiles politiques. »

Sachant que le tissu associatif représente 1 salarié du privé sur 10, soit plus de 1.8 millions de salariés, 13 millions de bénévoles en France, 42% de citoyens de plus de 16 ans font partie d’une ou plusieurs associations. Cette absence, ce « mal français » trouve son origine dans l’histoire des gouvernements de la France, qui a été construite au forceps par la monarchie absolue puis la république jacobine, avec une culture dominante de méfiance et de contrôle pour tout ce qui vient de la société, de l’économie, des corps intermédiaires.

Les politiques et les administratifs sont biberonnés à ce modèle, leur logiciel ne songe qu’à le poursuivre (ou le répliquer à petite échelle dans la décentralisation en mode vertical autoritaire.) »

Isam Ifghallal : ifghallal@yahoo.fr

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